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ou un de ses ancêtres fut décoré, n’avait en jusque-là aucune relation avec la secte naissante. Indifférent aux querelles intérieures des Juifs, il ne voyait dans tous ces mouvements de sectaires que les effets d’imaginations intempérantes et de cerveaux égarés. En général, il n’aimait pas les Juifs. Mais les Juifs le détestaient davantage encore ; ils le trouvaient dur, méprisant, emporté ; ils l’accusaient de crimes invraisemblables. Centre d’une grande fermentation populaire, Jérusalem était une ville très-séditieuse et, pour un étranger, un insupportable séjour. Les excités prétendaient que c’était chez le nouveau procurateur un dessein arrêté d’abolir la loi juive. Leur fanatisme étroit, leurs haines religieuses révoltaient ce large sentiment de justice et de gouvernement civil, que le Romain le plus médiocre portait partout avec lui. Tous les actes de Pilate qui nous sont connus le montrent comme un bon administrateur. Dans les premiers temps de l’exercice de sa charge, il avait eu avec ses administrés des difficultés qu’il avait tranchées d’une manière très-brutale, mais où il semble que, pour le fond des choses, il avait raison. Les Juifs devaient lui paraître des gens arriérés ; il les jugeait sans doute comme un préfet libéral jugeait autrefois les Bas Bretons, se révoltant pour une nouvelle route ou pour l’établissement d’une école. Dans ses meilleurs projets pour le bien du pays, notamment en tout ce qui tenait aux travaux publics, il avait rencontré la Loi comme un