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Jésus. Le sacerdoce officiel, les yeux tournés vers le pouvoir politique et intimement lié avec lui, ne comprenait rien à ces mouvements enthousiastes. C’était la bourgeoisie pharisienne, c’étaient les innombrables scribes, vivant de la science des « traditions, » qui prenaient l’alarme et qui étaient en réalité menacés dans leurs préjugés et leurs intérêts par la doctrine du maître nouveau. Un des plus constants efforts des pharisiens était d’attirer Jésus sur le terrain des questions politiques et de le compromettre dans le parti de Judas le Gaulonite. La tactique était habile ; car il fallait la profonde ingénuité de Jésus pour ne s’être point encore brouillé avec l’autorité romaine, nonobstant sa proclamation du royaume de Dieu. On voulut déchirer cette équivoque et le forcer à s’expliquer. Un jour, un groupe de pharisiens et de ces politiques qu’on nommait « hérodiens » (probablement des Boëthusim), s’approcha de lui, et, sous apparence de zèle pieux : « Maître, lui dirent-ils, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu sans égard pour qui que ce soit. Dis-nous donc ce que tu penses : Est-il permis de payer le tribut à César ? » Ils espéraient une réponse qui donnât un prétexte pour le livrer à Pilate. Celle de Jésus fut admirable. Il se fit montrer l’effigie de la monnaie : « Rendez, dit-il, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu. » Mot profond qui a décidé de l’avenir du christianisme ! Mot d’un spiritualisme accompli et d’une justesse merveil-