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exégète, théologien. Ses conversations, d’ordinaire pleines de grâce, deviennent un feu roulant de disputes, une suite interminable de batailles scolastiques. Son harmonieux génie s’exténue en des argumentations insipides sur la Loi et les prophètes. En général, il se tirait d’embarras avec beaucoup de finesse. Quand le charme sans pareil de son esprit trouvait à se montrer, c’étaient des triomphes. Un jour, on crut l’embarrasser en lui présentant une femme adultère et en lui demandant comment il fallait la traiter. On sait l’admirable réponse de Jésus. La fine raillerie de l’homme du monde, tempérée par une bonté divine, ne pouvait s’exprimer en un trait plus exquis. Mais l’esprit qui s’allie à la grandeur morale est celui que les sots pardonnent le moins. En prononçant ce mot d’un goût si juste et si pur : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Jésus perça au cœur l’hypocrisie, et du même coup signa son arrêt de mort. Il est probable, en effet, que, sans l’exaspération causée par tant de traits amers, Jésus eût pu longtemps rester inaperçu et se perdre dans l’épouvantable orage qui allait bientôt emporter la nation juive tout entière. Le haut sacerdoce et les sadducéens avaient pour lui plutôt du dédain que de la haine. Les grandes familles sacerdotales, les Boëthusim, la famille de Hanan, ne se montraient guère fanatiques que de repos. Ce n’était pas d’un tel parti que pouvait venir une réaction bien vive contre