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christianisme, ni de millénarisme, et jetteraient volontiers au feu l’Apocalypse. Le quatrième Évangile se place ainsi, dans la grande opération de séparation du christianisme et du judaïsme, fort au delà de saint Paul. Paul veut que Jésus ait abrogé la loi ; mais il ne nie jamais que Jésus ait vécu sous la loi. Luc, son disciple, met une sorte de raffinement dévot à montrer Jésus remplissant tous les préceptes. Pour Paul, les Israélites ont encore de grandes prérogatives. Le quatrième Évangile, au contraire, décèle une vive antipathie contre les juifs, envisagés comme nation et comme société religieuse. Jésus, s’adressant à eux, dit : « Votre loi. » Il n’est plus question de justification par la foi ni par les œuvres. Le problème est maintenant bien au delà de ces termes simples. La connaissance de la vérité, la science, voilà l’essentiel. On est sauvé par la gnosis, par l’initiation à certains mystères secrets. Le christianisme est devenu une sorte de philosophie occulte, dont ni Pierre ni Paul ne se doutèrent assurément.

L’avenir était à l’idéalisme transcendant. Cet Évangile, censé du disciple bien-aimé, qui nous transporte tout d’abord dans le pur éther de l’esprit et de l’amour, qui substitue à tout le reste l’attachement à la vérité, qui proclame que le règne du Garizim et celui de Jérusalem sont également finis, devait, avec le