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gnage, le narrateur du quatrième Évangile ne dit jamais « moi Jean » ; le nom de Jean ne figure pas une seule fois dans l’ouvrage ; il n’est que dans le titre ; mais nul doute que Jean ne soit le disciple innomé ou désigné d’une façon voilée à divers endroits du livre. Nul doute, d’un autre côté, que l’intention du faussaire ne soit de faire croire que ce personnage mystérieux est bien l’auteur du livre[1]. Il y a là un petit artifice littéraire, du genre de ceux qu’affectionne Platon[2]. Il en résulte dans le récit quelque chose de précieux, parfois même des recherches, des sous-entendus, des mièvreries littéraires peu dignes d’un apôtre. Jean se nomme sans se nommer, se vante sans se vanter. Il ne s’interdit pas ce procédé de littérature qui consiste à montrer dans un clair-obscur, soigneusement ménagé, des secrets que l’on garde pour soi, que l’on ne dit pas à tout venant. Il est si agréable d’être deviné, de laisser conclure aux autres les choses avantageuses pour soi, que l’on n’exprime qu’à demi-mot !

Prouver Jésus à ceux qui ne croient point en lui, mais surtout faire prévaloir une nouvelle conception du christianisme, voilà les deux buts que se propose

  1. Voir l’appendice à la fin de la Vie de Jésus (13e édit. et suivantes).
  2. Πλάτων δὲ, οἶμαι, ἠσθένει. Phédon, 2.