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quable du Presbytéros était le jugement qu’il portait sur l’Évangile de Marc. Il le trouvait insuffisant et surtout désordonné ; il y découvrait une complète ignorance de l’ordre véritable des événements dans la vie de Jésus[1]. Le Presbytéros croyait évidemment savoir mieux les choses, et sa tradition, s’il l’écrivit, dut s’écarter tout à fait pour le plan de celle de Marc.

Nous inclinons à croire que le quatrième Évangile représente les traditions de ce Presbytéros et d’Aristion[2], lesquelles pouvaient remonter à l’apôtre Jean. Il semble, d’ailleurs, que, pour préparer la fraude pieuse, on lança préalablement une épître catholique, censée de Jean, qui devait habituer le public d’Asie au style qu’on allait tenter de lui faire adopter comme étant celui de l’apôtre[3]. On y ouvrait l’attaque

  1. Papias, l. c., 15.
  2. La plus grande objection contre cette hypothèse est que Papias, qui parle tant des traditions du Presbytéros et d’Aristion, ne connut pas le quatrième Évangile. À la rigueur, on peut admettre que l’Évangile ne fut rédigé qu’après que Papias eut achevé ses cinq livres. Mais il reste singulier que les traditions recueillies par lui ne rappellent pas davantage le quatrième Évangile. Eusèbe, qui avait noté chez Papias tant de citations d’Aristion et du Presbytéros, ne dit pas que les traits empruntés à ces deux traditionnistes se rapprochassent du quatrième Évangile.
  3. C’est la première des trois épîtres censées johanniques. Elle était citée par Papias (Eus., H. E., III, xxxix, 16) ; or Papias ne