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tout cas, avait des traditions particulières sur la vie de Jésus et, si j’ose le dire, une vie de Jésus à son usage. Ces traditions résidaient surtout dans la mémoire de deux personnes, que l’on tenait, dans ces parages, pour les deux plus hautes autorités en fait d’histoire évangélique, savoir un homonyme de l’apôtre Jean qu’on appelait le Presbytéros Joannes[1], et un certain Aristion, qui savait par cœur beaucoup de discours du Seigneur[2]. Papias, déjà vers le temps où nous sommes, consultait ces deux hommes comme des oracles, et prenait note de leurs traditions, qu’il devait insérer dans son grand ouvrage sur les Discours du Seigneur. Un trait bien remar-

    gr., edit. 8ª crit. major, 1869, vol. I, p. 967 et suiv.). Ces mots semblent réfuter des gens qui disaient non jam in corpore constituto.

  1. Voir les Évangiles, p. 426 et suiv. Comp. Eusèbe, H. E., V, viii, 8.
  2. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 4, 14. Nous lisons οἱ τοῦ κυρίου [μαθητῶν] μαθηταί λέγουσιν. Ce présent marque une génération postérieure à celle des apôtres, soit qu’on établisse la contemporanéité avec le temps où Papias écrivait, soit qu’on l’établisse avec le temps où il interrogeait (cf. ibid., 15). Cette phrase, prise à la rigueur, exclurait l’hypothèse de rapports personnels entre Papias et les deux traditionnistes ; mais on y peut supposer une anacoluthe, et Eusèbe n’a probablement pas tort (ibid., 7) d’affirmer que Papias entendit personnellement Presbytéros et Aristion. La preuve qu’il en donne n’est pas péremptoire ; mais il possédait le livre et pouvait à cet égard mieux juger que nous.