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guère du iie siècle après J.-C. L’état du peuple à l’époque où l’auteur écrit est relativement heureux et tranquille, au moins dans le pays où il écrit. Les Juifs paraissent riches, à l’état de domesticité chez les grands, servant d’intermédiaires dans tous les achats[1], occupant les places de confiance, employés comme intendants, majordomes, sommeliers, ainsi que nous les voyons dans les livres d’Esther, de Néhémie[2]. Loin d’être troublée par les songes et les colères qui obsèdent tout Juif à partir du ier siècle de notre ère, la conscience de l’auteur est sereine au plus haut degré. Il n’est pas précisément messianiste. Il croit à un avenir merveilleux pour Jérusalem, mais sans miracle au ciel ni roi Messie.

Le livre est donc, selon nous, antérieur au iie siècle de notre ère. Par le sentiment pieux qui y règne, il est bien postérieur au livre d’Esther, livre d’où tout sentiment religieux est absent. On songerait à l’Égypte pour le lieu où un pareil roman put être composé, si la certitude que le texte original fut écrit en hébreu ne créait à cela une difficulté. Les Juifs d’Égypte n’écrivaient pas en cette langue. Je ne crois pas cependant que le livre ait été composé à Jérusalem ni en Judée. Ce que veut l’auteur, c’est relever le Juif provincial qui a horreur du schisme et reste en communion avec Jérusalem. Les idées persanes qui remplissent l’ouvrage, la connaissance relative qu’a l’auteur des grandes villes de l’Orient, quoiqu’il se trompe étrangement sur les distances, feraient songer à la Mésopotamie, surtout à l’Adiabène, où les Juifs furent dans un état si florissant à partir du milieu du ier siècle de notre ère.

  1. Ἀγοραστής.
  2. Se rappeler Néhémie, échanson d’Artaxerxe ; Mardochée, attaché à la porte d’Assuérus.