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il y aurait eu, sous le règne d’Adrien, un commencement de reconstruction du temple entrepris d’accord avec les Juifs. C’est à cette reconstruction que s’appliquerait le passage de Tobie, xiv, 5. Mais j’ai montré ailleurs[1] que cette interprétation du passage prétendu de Barnabé est fausse. Fût-elle vraie, il serait singulier qu’une tentative manquée, qui n’eut pas de suite, fût devenue ainsi la base d’un système apocalyptique tout entier.

2o Le verset xiv, 10, renferme une autre preuve de la composition relativement ancienne du livre de Tobie. « Mon fils, vois ce que fit Aman à Akhiakhar, qui l’avait nourri, comment il le précipita de la lumière dans les ténèbres et comment il le récompensa ; mais Akhiakhar fut sauvé et Aman eut le châtiment qu’il méritait. Manassé de même fit l’aumône et fut sauvé du piège mortel qu’Aman lui avait tendu ; Aman tomba dans ce piège et périt. » Cet Akhiakhar est un neveu de Tobie le père, qui figure dans l’ouvrage comme intendant et maître d’hôtel d’Asarhaddon. Son rôle est épisodique et singulier. La façon dont il est parlé de lui semble supposer qu’il était connu par ailleurs. Le verset que nous venons de citer ne s’explique que si l’on admet, parallèlement au livre de Tobie, un autre livre où un infidèle nommé Aman, qui avait eu pour père nourricier un bon Juif nommé Akhiakhar, le payait d’ingratitude, le faisait mettre en prison ; puis Akhiakhar était sauvé et Aman puni. Cet Aman était évidemment, dans les romans juifs, l’homme qui avait pour rôle de tendre aux autres des pièges où il tombait lui-même, puisque, dans les récits auxquels Tobie fait allusion, le même Aman subissait le sort qu’il avait voulu faire subir à un certain Manassé. Impossible, selon moi, de ne pas voir là un parallèle de l’Aman

  1. Ci-dessus, p. 24, note 2. Cf. les Évangiles, p. 375.