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au moins s’y fussent portés ; le fort de la guerre eût été là ; le temple eût été relevé, le culte rétabli ; là se fût livrée la dernière bataille, et, comme en 70, les fanatiques se fussent fait massacrer sur les ruines du temple ou du moins sur son emplacement. Or il n’en est rien. La grande opération poliorcétique a lieu à Béther, près de Jérusalem ; nulle trace de lutte sur l’emplacement du temple ; dans la tradition juive, pas un souvenir d’un quatrième temple ni d’une reprise des cérémonies.

Il semble donc bien que, sous Adrien, Jérusalem ne subit pas de siège sérieux et ne traversa pas de nouvelle destruction. Qu’aurait-on détruit, je le répète ? Dans l’hypothèse où Ælia ne commence à exister qu’en 136, après la fin de la guerre, on aurait détruit un champ de ruines. Dans l’hypothèse où Ælia date de 122 ou à peu près, on aurait détruit les commencements de la ville nouvelle que les Romains voulaient substituer à l’ancienne. À quoi bon une telle destruction, puisque, loin d’abandonner le projet d’une nouvelle Jérusalem profane, les Romains en reprennent l’idée, à partir de cette époque, avec plus de vigueur que jamais ? Ce qu’on a légèrement répété sur la charrue que les Romains auraient fait passer sur le sol de la ville et du temple n’a pour bases que de prétendues traditions juives, rapportées par le Talmud[1] et saint Jérôme[2], où l’on a confondu Terentius Rufus, qui fut chargé par Titus de démolir Jérusalem[3], avec Tineius Rufus, le légat impérial du temps d’Adrien. Ici encore, l’erreur est venue du mirage historique qui a fait transporter à la guerre d’Adrien, dont on sait peu de chose, les circonstances beaucoup mieux con-

  1. Mischna Taanith., iv, 6, et les Gémares correspondantes.
  2. In Zach., viii, 16-17.
  3. Josèphe, B. J., VII, ii, 1.