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a priori, on fit ce qu’on put a posteriori pour lui donner dans l’histoire une base qu’il n’avait pas. Naturellement, c’est sur le premier siège qu’on se rabattit pour cela. Cette confusion a été le piège où toute l’histoire populaire des catastrophes juives s’est laissé prendre. Comment préférer de pareilles bévues aux fortes inductions que l’on tire des seuls témoignages historiques que nous ayons dans la question, Dion Cassius et Ariston de Pella ?

Deux objections graves me restent à résoudre. Seules, elles font planer des doutes sur la thèse que je soutiens.

La première est tirée d’un passage d’Appien[1]. Cet historien, énumérant les destructions successives qu’ont subies les murs de Jérusalem, place l’une après l’autre et sur la même ligne la destruction de Titus et celle d’Adrien, « qui eut lieu de son temps » (ἐπ’ ἐμοῦ). Le passage d’Appien renferme en tout cas une forte inexactitude ; il suppose que Jérusalem avait des murs sous Adrien. Appien a l’air de croire que les Juifs, après Titus, relevèrent leur ville et la fortifièrent. Son ignorance sur ce point montre qu’il n’est guidé dans le rapprochement susdit que par la grossière assimilation qui a trompé tout le monde. Les difficultés qu’avait présentées la campagne, les nombreuses πολιορκίαι qui l’avaient remplie, expliquent que même un contemporain, qui n’avait pas été témoin des faits[2], ait pu commettre une pareille erreur.

Plus grave assurément est l’objection tirée de la numis-

  1. Syr., 50. C’est par erreur que Tillemont (Hist. des emp., I, p. 570) prétend que Pausanias parle d’une destruction de Jérusalem sous Adrien. Pausanias, I, 2, dit seulement ἐχειρώσατο ἀποστάντας.
  2. Appien avait vu en Égypte la révolte des Juifs sous Trajan (passage découvert par M. Miller, Revue archéol., 1809, I, p. 101-110) ; mais, au temps de la guerre d’Adrien, il demeurait à Rome.