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boucs, aveugle leurs parents, confond ses maîtres, leur démontre qu’ils n’entendent rien aux mystères de l’alphabet[1], les force à lui demander pardon. On le fuit comme la peste ; Joseph le supplie en vain de rester tranquille[2]. Cette image grotesque d’un gamin omnipotent et omniscient est une des plus fortes caricatures qu’on ait jamais inventées, et certes ceux qui l’ont écrite avaient trop peu d’esprit pour qu’on puisse leur prêter l’intention d’y avoir mis de l’ironie. Ce n’était pas sans intention théologique que, contrairement au système plein de tact des anciens évangélistes sur les trente ans de vie obscure, on cherchait à montrer que la nature divine en Jésus ne fut jamais oisive, que le miracle sortait sans cesse de lui. Tout ce qui faisait de la vie de Jésus une vie humaine devenait importun. « Cet enfant n’est pas un être terrestre, dit de lui Zachée ; il peut dompter le feu ; peut-être a-t-il été fait avant la création du monde. Il est quelque chose de grand, ou un dieu, ou un ange, ou un je ne sais trop quoi[3]. » Ce déplorable Évangile paraît l’ouvrage des marcosiens[4]. Les

  1. Ch. 6-8, 14, 15. Cf. Irénée, l. c.
  2. Ch. 3, 4, 5. Voir surtout la rédaction latine.
  3. Évang. selon Thomas, ch. 7 (Tisch., p. 140-141).
  4. Comparez Évang. selon Thomas, ch. 6 et 14 (Tisch., p. xxxix, 138 et suiv., 152 et suiv., 162 et suiv.), avec Irénée, I, xx, 1 et 2 ; Philosoph., VI, 42 ; Épiph., hær. xxxiv, 4.