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sans s’inquiéter de se contredire les uns les autres, les fabricateurs d’Évangiles apocryphes sont timides. Ils citent leurs autorités ; ils sont liés par les canoniques. La faculté qui crée le mythe est tout à fait appauvrie ; on ne sait même plus imaginer un miracle. Quant au détail, il est impossible de rien concevoir de plus mesquin, de plus chétif. C’est le verbiage fatigant d’une vieille commère, le ton bassement familier d’une littérature de nourrices et de bonnes d’enfants. Comme le catholicisme dégénéré des temps modernes, les auteurs d’Évangiles apocryphes se rabattent sur les côtés puérils du christianisme, l’Enfant Jésus, la sainte Vierge, saint Joseph. Le Jésus véritable, le Jésus de la vie publique, les dépasse et les effraye.

La cause réelle de ce triste abaissement est un changement total dans la manière d’entendre le surnaturel. Les Évangiles canoniques se tiennent avec une rare dextérité sur le tranchant d’une situation fausse, mais pleine de charme. Leur Jésus n’est pas Dieu, puisque toute sa vie est celle d’un homme ; il pleure, il se laisse attendrir ; mais il est plein de Dieu ; son attitude est acceptable pour l’art, l’imagination et le sens moral. Sa thaumaturgie, en particulier, est celle qui convient à un envoyé divin. Dans les Évangiles apocryphes, au contraire, Jésus est un