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En tout cas, l’Église catholique n’accorda plus à personne le droit de remanier de fond en comble les textes antérieurs, comme l’avaient fait Luc et pseudo-Jean. On était passé de l’âge de la tradition vivante à l’âge de la tradition morte. Le livre, qui jusqu’ici n’a été presque rien, devient tout pour des gens qui sont déjà éloignés des témoins oculaires de deux ou trois générations. Vers l’an 180, la révolution sera complète. L’Église catholique déclarera la liste des Évangiles rigoureusement close[1]. Il y a quatre Évangiles, nous dit Irénée ; il devait y en avoir quatre, et il ne pouvait y en avoir plus de quatre ; car il y a quatre climats, quatre vents, quatre coins du monde, réclamant chacun une colonne, quatre révélations, celles d’Adam, de Noé, de Moïse, de Jésus, quatre animaux dans le chérub, quatre bêtes mystiques dans l’Apocalypse. Chacun de ces monstres qui, pour le Voyant de l’an 69, étaient de simples ornements animés du trône de Dieu, devint l’emblème d’un des quatre textes reçus[2]. Il fut admis que l’Évangile était comme le chérub, un être tétramorphe. Mettre d’accord les

  1. Irénée, III, xi, 7, 8, 9 ; Tertullien, Contre Marcion, IV, 2, 5 ; Clément d’Alex., dans Eus., H. E., VI, 13, 14. Dans la lettre d’Irénée à Florin, les quatre Évangiles s’appellent αἱ γραφαί. Cf. II Clem., 2, 3, 4, 13.
  2. Irénée, III, xi, 8.