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Jean avait été le dernier. Mais la liberté du remaniement restait assez large encore, au moins hors des Églises de saint Paul. Quoique les quatre textes devenus plus tard canoniques eussent déjà une vogue particulière, ils étaient loin d’exclure les textes parallèles. L’Évangile des Hébreux gardait toute son autorité. Justin et Tatien s’en servaient probablement. L’auteur des épîtres de saint Ignace (deuxième moitié du iie siècle) le cite comme texte canonique et reçu[1]. Aucun texte en réalité n’épuisait la tradition et ne supprimait ses rivaux. Les livres étaient rares et mal gardés. Denys de Corinthe[2], à la fin du iie siècle, parle des falsificateurs des « Écritures du Seigneur[3] », ce qui suppose que les retouches continuèrent plus de cent ans après la rédaction de notre Matthieu. De là cette forme indécise des paroles de Jésus qui se remarque chez les Pères apostoliques[4].

  1. Ad. Smyrn., 3, en comparant saint Jérôme, De viris ill., c. 16. Cf. Cérygme de Pierre et Paul, dans Origène, De princ., I, proœm., c. 8. Eusèbe (H. E., III, xxv, 5) et Nicéphore (Credner, Gesch. des neutest. Kanon, p. 243) le placent parmi les ἀντιλεγόμενα. Pour Tatien, voir Epiph., hær. xlvi, 1. Cf. Hilgenfeld, Nov. Test. extra can. rec., IV, p. 31.
  2. Dans Eus., H. E., IV, xxiii, 12.
  3. Γραφαὶ κυριακαί.
  4. Cf. Vie de Jésus, p. lv, note. Voir, par exemple, Clém. Rom., Ad Cor. I, ch. 13, 24, 46. L’auteur de la prétendue deuxième épitre de Clément (voir ci-dessus, p. 399-400), se sert, à côté de