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Tatien échappa aux embûches du cynique. On ne peut assez regretter, pour la mémoire d’Antonin (ou, si l’on veut, de Marc-Aurèle), que l’avocat courageux d’une cause qui était alors celle de la liberté de conscience ait souffert le martyre sous son règne. Si Justin appela son rival « imposteur » ou « écornifleur », comme nous l’apprend Tatien, il méritait la peine correctionnelle qu’entraîne le délit d’injures proférées en public. Mais Crescent ne fut peut-être pas moins injurieux, et le fut impunément. Justin se vit donc frappé comme chrétien. La loi était formelle et les conservateurs de la chose romaine hésitaient à l’abroger. Combien de précurseurs de l’avenir ont souffert également sous le règne du juste et pieux saint Louis !

Les attaques de Crescent n’étaient pas un fait

    Eusèbe, H. E., IV, 16 ; Chronique, p. 170, 171, Schœne ; Chronique d’Alex., à l’an 165. Tatien, Irénée, Tertullien nous assurent que Justin mourut martyr. Quant aux Actes de son martyre, ils sont de seconde main et sans valeur. Il est même douteux s’ils s’appliquent à notre docteur. Junius Rusticus n’est mêlé à cette affaire que par les Actes et par saint Épiphane (xlvi, 1), qui copie en cela les Actes. La mort de Justin dut suivre de près la dispute avec Crescent et la composition de la deuxième apologie. (Apol. II, 3 ; Eusèbe, l. c.) On ignore si ce fut dans les derniers mois d’Antonin ou dans les premiers de Marc-Aurèle. Voir Pearson, cité ci-dessus, p. 453, note. Nous avons vu, à propos de Polycarpe, qu’Eusèbe a une certaine tendance à placer sous Marc-Aurèle des martyres qui eurent lieu sous Antonin.