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Je m’attends bien, dit-il, à me voir quelque jour dénoncé et mis aux ceps par les gens que j’ai dits, au moins par ce Crescent, plus digne d’être appelé ami du bruit et du faste qu’ami de la sagesse, qui s’en va chaque jour attestant de nous ce qu’il ignore, nous accusant en public d’athéisme et d’impiété, pour gagner la faveur d’une multitude abusée. Il faut qu’il ait l’âme bien méchante pour nous décrier ainsi, puisque même l’homme d’une moralité ordinaire se fait conscience de porter un jugement sur les choses qu’il ne sait pas. S’il prétend qu’il est parfaitement instruit de notre doctrine, il faut que la bassesse de son esprit l’ait empêché d’en comprendre la majesté. S’il l’a bien entendue, rien ne peut l’obliger à la décrier si ce n’est la peur de passer lui-même pour chrétien… Sachez, en effet, que, lui ayant proposé quelques questions sur ce sujet, j’ai reconnu clairement et je l’ai même convaincu qu’il n’y entendait rien. Et, pour montrer à tout le monde que ce que je dis est véritable, je déclare que, si vous n’avez pas encore eu connaissance de cette dispute, je suis prêt à la recommencer en votre présence. Ce serait là une œuvre vraiment royale[1]. Que si vous avez vu les questions que je lui ai proposées et les réponses qu’il y a faites, vous ne pourrez douter de son ignorance ou de son peu d’amour de la vérité[2].


Les prévisions de saint Justin ne se justifièrent que trop. Crescent dénonça celui qu’il devait se borner à réfuter, et le courageux docteur fut mis à mort[3].

  1. Justin s’adresse aux empereurs en même temps qu’au sénat. Cf. § 15, les derniers mots. Voyez Eusèbe, H. E., IV, ch. 17.
  2. Apol. II, 3.
  3. Apol. II, 3, 11 ; Tatien, Adv. Græc., 19 ; Irénée, I, xxviii, 1 ;