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procès auxquels ces accusations donnèrent lieu, on mit à la question quelques esclaves des maisons chrétiennes, des femmes, des jeunes garçons, qui, vaincus par les tourments, dirent tout ce que l’on voulut et prêtèrent un fondement juridique à des inventions odieuses[1].

Les calomnies, du reste, étaient réciproques, et les chrétiens rétorquaient contre leurs adversaires les mensonges inventés contre eux. Ces repas sanglants, ces orgies, c’étaient les païens qui les pratiquaient. Leurs dieux ne leur avaient-ils pas donné l’exemple de tous les vices ? Dans quelques-uns des rites les plus solennels du culte romain, dans les sacrifices à Jupiter Latiaris, ne faisait-on pas des aspersions de sang humain[2] ? Le fait était inexact ; il n’en devint pas moins une des bases de l’apologétique chrétienne[3]. L’immoralité des dieux du vieil Olympe offrait aux controversistes un facile triomphe[4]. Quand Jupiter n’était que le ciel bleu, il était immoral

  1. Justin, Apol. II, 12 ; Lettre des Égl., 14.
  2. Justin, Apol. II, 12.
  3. Minucius Félix, 21, 30 ; Tertullien, Apol., 9 ; Scorp., 7 ; Tatien, 29 ; Théophile, III, 8 ; Saint Cyprien (?), De spect., 6 ; Lactance, Inst., I, xi, 3 ; Firmicus Maternus, 26 ; Prudence, Contre Symm., I, 396. Ce fait n’est mentionné par aucun écrivain païen, si ce n’est par Porphyre (De abstin., II, 56), qui semble le répeter d’après les chrétiens.
  4. Justin, Apol. II, 12, 14.