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exprès pour ces poëtes, ces peintres, ces penseurs, tous originaux, tous idéalistes, s’imaginant ne peindre que l’âme, et en réalité dupes du corps. Épictète se portait mieux ; il a montré dans la lutte de la vie autant d’héroïsme qu’Attale et que Sanctus ; mais il n’a pas de légende. L’hégémonikon seul ne dit rien à l’humanité. L’homme est chose très-complexe. On n’a jamais charmé ou passionné les foules avec la vérité pure ; on n’a jamais fait un grand homme avec un eunuque, ni un roman sans amour.

Nous verrons bientôt les plus dangereuses chimères du gnosticisme trouver à Lyon un prompt accueil et, presque à côté de Blandine, les victimes des séductions de Marcus fuir l’Église ou venir y avouer leur faute en habits de deuil[1]. Le charme de la Lyonnaise, résidant en une sorte de décence tendre et de chasteté voluptueuse, sa séduisante réserve, impliquant l’idée secrète que la beauté est chose sainte[2], son étrange facilité à se laisser prendre aux apparences du mysticisme et de la piété, produiront, sous Marc-Aurèle, des scènes qu’on se figurerait s’être passées de nos jours.

  1. Irénée, I, xiii. L’ouvrage entier d’Irénée est la preuve de l’importance qu’eut le gnosticisme dans la vallée du Rhône.
  2. Voir une page, très-bien étudiée, de Lamartine, Girondins, xlix, 13.