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telle manière de voir se trouva fort ébranlée. D’abord, une nouvelle tradition se répandait, d’après laquelle Jésus, avant de mourir, n’avait pas mangé la Pâque, mais était mort le jour même de la Pâque juive[1], se substituant ainsi à l’agneau pascal. En outre, cette fête purement juive[2] blessait la conscience chrétienne, surtout dans les Églises de Paul. La grande fête des chrétiens, c’était la résurrection de Jésus, arrivée, en tout cas, le dimanche après la Pâque juive. D’après cette idée, on célébrait la fête le dimanche qui suivait le vendredi venant après le 14 de nisan.

À Rome, cette pratique prévalait, au moins depuis les pontificats de Xyste et de Télesphore (vers 120)[3]. En Asie, on était fort partagé. Les conservateurs comme Polycarpe, Méliton et toute l’ancienne école, tenaient pour la vieille pratique juive, conforme aux premiers Évangiles et à l’usage des apôtres Jean et Philippe[4]. Il arrivait ainsi qu’on ne priait pas,

  1. C’est celle de l’Évangile attribué à Jean.
  2. Τὸ πάσχα ἡ ἑορτὴ τῶν Ἰουδαίων. Jean, vi, 4. Comp. I Cor., v, 7 ; Col., ii, 16 ; Concile de Nicée, dans Eusèbe, Vita Const., III, 18.
  3. Irénée, dans Eus., H. E., V, xxiv, 14.
  4. Polycrate, dans Eus., H. E., V, xxiv, 2 et suiv. ; Irénée, ibid., 11 et suiv. L’Évangile dit de Jean est bien plus favorable à l’usage de Rome qu’à l’usage de l’Asie, quoiqu’il ne soit pas exclusif de ce dernier. Apollinaire, dans Chron. d’Alex., p. 6, Paris.