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repoussait les enjolivements creux que les gnostiques avaient introduits dans l’enseignement chrétien, et il paraît avoir ignoré l’Évangile qui circulait déjà de son temps sous le nom de Jean. Il s’en tenait à la manière simple et onctueuse de la catéchèse apostolique, et ne voulait pas qu’on y ajoutât quoi que ce fût. Tout ce qui ressemblait à une idée nouvelle le mettait hors de lui. Sa haine des hérétiques était très-vive, et quelques-unes des anecdotes qu’il se plaisait à raconter sur Jean étaient destinées à faire ressortir l’intolérance violente qui, selon lui, aurait été le fond du caractère de l’apôtre[1]. Quand on osait émettre autour de lui quelque doctrine analogue à celles des gnostiques, quelque théorie destinée à introduire un peu de rationalisme dans la théologie chrétienne, il se levait, se bouchait les oreilles et prenait la fuite, en s’écriant : « O bon Dieu, à quels temps m’as-tu réservé, pour que je doive supporter de tels discours[2] ! » Irénée se pénétrait près de lui du même esprit, que la douceur de son caractère devait corriger dans la pratique. La prétention de s’en tenir à l’enseignement apostolique devenait la base de l’orthodoxie, en opposition avec la présomption des gnostiques et des montanistes, qui prétendaient retrouver la pensée

  1. Irénée, III, iii, 4 (Eus., H. E., IV, xiv, 6).
  2. Irénée, lettre à Florin, déjà citée.