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transmettre l’image souvent faussée, mais à quelques égards très-vivante, du dernier monde apostolique dont il avait vu en quelque sorte le soleil couchant[1]. Irénée était né chrétien, ce qui ne l’empêchait pas de fréquenter les écoles d’Asie, où il puisa une connaissance étendue des poètes et des philosophes profanes, surtout d’Homère et de Platon[2]. Il avait pour ami d’enfance et pour condisciple, si l’on peut s’exprimer ainsi, autour du vieillard, un certain Florin, qui avait une charge de cour assez importante, et qui plus tard, à Rome, embrassa les idées gnostiques de Valentin.

Polycarpe passait aux yeux de tous pour le type parfait de l’orthodoxie. Sa doctrine était le millénarisme matérialiste de la vieille école apostolique[3]. Loin d’avoir rompu avec le judaïsme, il se conformait aux pratiques des judéo-chrétiens modérés[4]. Il

    p. 101, 106, 113-114. Saint Jérôme, avec son inexactitude ordinaire, tire cette conclusion des citations de Papias qui sont dans Irénée.

  1. Certes Polycarpe et Irénée peuvent avoir exagéré l’importance de leurs relations apostoliques, afin d’avoir un argument décisif à faire valoir contre les hérétiques (Irénée, III, iii, 4). Nous ne croyons pas cependant que le fait de ces relations soit un mensonge inventé de toutes pièces. Voir l’Antechrist, p. 567-568. Une des plus graves difficultés est la complète ignorance que montre Irénée du vrai sens des énigmes de l’Apocalypse.
  2. Irénée, I, xiii, 6, etc.
  3. Irénée, V, xxxiii, 3, en remarquant δὲ καί du § 4.
  4. C’est là l’esprit de son disciple Irénée.