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Jésus, et on préféra sa vie, écrite par des lettrés, aux Évangiles, œuvre d’esprits grossiers[1].

Un charlatan paphlagonien, Alexandre d’Abonotique, arriva par son assurance à des succès non moins prodigieux[2]. C’était un très-bel homme, d’une superbe prestance, d’une voix très-douce, portant une chevelure énorme, qui se prétendait descendant de Persée, et passait pour prédire l’avenir avec les accès frénétiques des anciens devins. Il enferma un petit serpent dans un œuf d’oie, cassa l’œuf devant la foule et fit croire que c’était là une incarnation d’Esculape, qui avait choisi pour séjour la ville d’Abonotique. Le dieu grandit en quelques jours. Les gens d’Abonotique furent émerveillés de voir bientôt sur un canapé un énorme serpent à tête humaine, splendidement vêtu, ouvrant et fermant la bouche, brandissant son dard. C’était Alexandre qui s’était ainsi affublé, en enroulant sur sa poitrine et autour de son cou un serpent apprivoisé, dont la queue pendait par devant. Il s’était fait une tête de toile, barbouillée avec assez d’art, et, au moyen de crins, il faisait aller les mâchoires et le dard. Le nouveau dieu fut appelé Glycon, et de tout l’empire on vint

  1. Eusèbe, Contre Hiéroclès, entier.
  2. Lucien, Alexander seu Pseudomantis. Cf. Athénagore, Leg., 26.