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tristesses, le pauvre Hermas retrouve Rhodé, qu’il n’avait pas vue depuis des années. Le peu de consolations qu’il avait dans son intérieur lui rend, à ce qu’il paraît, le cœur sensible ; il se met à aimer son ancienne maîtresse comme une sœur. Un jour, la voyant se baigner dans le Tibre, il lui présente la main, et l’aide à sortir du fleuve : « Que je serais heureux, se dit-il, si j’avais une femme aussi belle et aussi bien élevée ! » Sa pensée n’alla pas au delà[1], et une telle réflexion était d’autant plus excusable que sa femme était acariâtre, désagréable, pleine de défauts. Mais la sévérité des mœurs chrétiennes était si grande, que l’amour tout platonique d’Hermas fut noté dans le ciel par le surveillant jaloux des âmes pures ; il va en être repris comme d’une faute.

Quelque temps après, en effet, comme il se rendait à sa campagne, située près de Cumes, à dix stades de la voie Campanienne[2], et qu’il admirait la beauté des œuvres de Dieu, il s’endormit en marchant. Il traversa en esprit des fleuves, des ravins, des montagnes crevassées, se retrouva en

  1. Μόνον τοῦτο ἐϐουλευσάμην, ἕτερον δὲ οὐδέν. Vis. i, 1. Épictète traite aussi de péché une pensée toute semblable. Dissert., II, xviii, 15-18.
  2. Vis. i, 1 ; Vis. ii, 1 ; Vis. iii, 1 ; Vis. iv, 1. Voir l’édition de MM. de Gebhardt et Harnack. Cumes, Pouzzoles, Baïa étaient les lieux de villégiature des Romains.