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Justin terminait son plaidoyer en citant la lettre d’Adrien à Minicius Fundanus[1]. Croyant comme il l’était, il devait s’étonner qu’on ne se rendît pas à des arguments si clairs, et la façon dont il s’exprime prouve qu’il ne visait pas à moins qu’à convertir les Césars[2]. Sûrement le frivole Lucius Verus ne toucha pas du bout du doigt ce sérieux écrit. Antonin et Marc-Aurèle le lurent peut-être[3] ; mais furent-ils aussi coupables que le croit Justin de ne pas se convertir ? On ne saurait le prétendre. Justin a beau jeu contre les fables immorales du paganisme[4] ; il démontre sans peine que la religion grecque et la religion romaine n’étaient plus guère qu’un tissu de honteuses superstitions. Mais la démonologie effrénée qui fait le fond de tous ses systèmes est-elle beaucoup plus sensée ? Sa confiance dans l’argument tiré des prophéties[5] est singulièrement naïve. Antonin et Marc-Aurèle ne connaissaient pas la littérature hé-

  1. Voir ci-dessus, p. 32 et suiv.
  2. Apol. I, 68. Il n’y a pas de raison suffisante pour rejeter l’authenticité de ce paragraphe, quoique l’ouvrage finisse bien par ἀνεδώκαμεν (ch. 67).
  3. C’est gratuitement qu’on a supposé (Orose, VII, 14) que l’Apologie de Justin amena un relâchement de persécution de la part d’Antonin.
  4. Apol. I, 5, 21, 25. Comp. Apol. II, 12, 14.
  5. Apol. I, 31 et suiv.