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cisme surtout trouva dans cette espèce de tribunal ecclésiastique un obstacle invincible. C’était ici pour la religion chrétienne une question de vie ou de mort. Les tendances désordonnées des novateurs eussent été l’anéantissement de toute unité. Cette fois, comme il arrive presque toujours, ce fut l’anarchie qui créa l’autorité. On peut dire ainsi que, dans la formation de l’Église catholique, le gnosticisme et le marcionisme jouèrent par antithèse le rôle principal.

Un homme hautement estimé pour ses études profanes et sa connaissance des Écritures, Justin de Néapolis en Samarie, établi à Rome depuis plusieurs années, tenait école de philosophie chrétienne[1], et combattait énergiquement pour la majorité orthodoxe. La polémique était dans ses goûts et ses habitudes. Valentiniens, marcionites, juifs samaritains, philosophes païens furent tour à tour l’objet de ses attaques. Justin n’était pas un grand esprit ; il manquait à la fois de philosophie et de critique ; son exégèse surtout passerait aujourd’hui pour très-défectueuse ; mais il fait preuve d’un sens général assez droit ; il avait cette espèce de crédulité médiocre qui permet de raisonner sensément sur des prémisses puériles

  1. Eus., H. E., IV, 11 ; saint Jér., De viris ill., c. 23.