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l’Asie-Mineure, où il continua de déployer pour la propagation de l’erreur une immense activité. Il paraît que, dans ses dernières années, il entama de nouveau des négociations pour se rattacher à l’Église catholique, mais que la mort en empêcha le succès[1]. Souvent une certaine timidité de caractère s’associe bien aux grandes hardiesses spéculatives, et Marcion paraît s’être fréquemment contredit. D’un autre côté, une telle fin répondait si parfaitement aux besoins de la polémique des orthodoxes, qu’on doit les suspecter de l’avoir inventée. C’est Apelle qui ramènera l’école marcionite à un déisme presque orthodoxe.

Marcion reste, en tout cas, le plus audacieux novateur que le christianisme ait connu, saint Paul même y compris. Saint Paul n’avait jamais nié la relation des deux Testaments ; Marcion les opposait l’un à l’autre comme deux antithèses. Il alla jusqu’à s’attribuer le droit de refaire la vie de Jésus à sa guise et de changer les Évangiles systématiquement. Même les Épîtres de saint Paul, qu’il adoptait, furent par lui arrangées et mutilées, en vue d’effacer les citations de l’Ancien Testament et le nom d’Abraham, qu’il abhorrait[2].

  1. Tert., Præscr., 30.
  2. De Wette, Lehrbuch in N. T., § 34 b ; Bleck, Einl. in N. T., § 54.