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Noé, Abraham, serviteurs du démiurge, c’est-à-dire du dieu de l’Ancien Testament, qui avaient pour tout mérite d’avoir obéi aux lois d’un tyran. C’était ce dieu de l’Ancien Testament qui fit mettre Jésus à mort, et couronna ainsi dignement une ère qui avait été le règne du mal.

On ne pouvait se placer plus nettement à l’opposé des idées de Pierre, de Jacques, de Marc. Les dernières conséquences des principes de Paul étaient tirées. Marcion ne donnait pas à son Évangile de nom d’auteur ; mais, dans sa pensée, c’était bien là « l’Évangile selon Paul ». Jésus n’est plus du tout un homme, c’est la première apparition idéale du Dieu bon, à peu près comme Schleiermacher put l’entendre seize siècles plus tard. Une très-belle morale, se résumant en l’effort vers le bien, sortait de ce christianisme spiritualiste et rationaliste. Après l’auteur des écrits pseudo-johanniques, Marcion fut le plus original des maîtres chrétiens du iie siècle. Mais le dithéisme, qui faisait la base de son système, et la colossale erreur historique qu’il y avait à présenter comme le contraire du judaïsme une religion qui sortait du judaïsme, étaient des vices profonds qui ne pouvaient permettre à une telle doctrine de devenir celle de la catholicité.

Le succès en fut d’abord extraordinaire ; les doc-