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homme[1], pour combattre l’influence du démiurge et introduire la loi de charité. Les juifs auront leur Messie, fils de leur Dieu, c’est-à-dire du Dieu démiurge. Jésus n’est nullement ce Messie ; sa mission a été, au contraire, d’abolir la Loi, les prophètes et généralement toutes les œuvres du démiurge ; mais ses disciples l’ont mal compris ; Paul seul a été un vrai apôtre[2], Marcion se donnait pour tâche de retrouver la pensée de Jésus, oblitérée et maladroitement ramenée au judaïsme par ceux qui étaient venus après lui.

C’était déjà le manichéisme, avec ses dangereuses antithèses, qui faisait son apparition dans le champ des croyances chrétiennes. Marcion suppose deux dieux, l’un bon et doux, l’autre sévère et cruel. La condamnation absolue de la chair l’amenait à envisager la continuation de l’espèce humaine comme ne servant qu’à prolonger le règne du mauvais démiurge ; il blâmait le mariage et n’admettait pas au baptême les gens mariés. Nulle secte ne poussait davantage au martyre, et ne compta, proportion gardée, plus de confesseurs de la foi[3]. Le martyre

  1. Nicéphore, Antirr., dans Pitra, Spic. Sol., I, p. 406.
  2. L’habitude d’appeler Paul « l’Apôtre » par excellence se remarque pour la première fois chez Marcion. La partie de son canon qui renfermait les épîtres s’appelait ὁ Ἀπόστολος.
  3. Anonyme contre les cataphryges, dans Eus., H. E., V,