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importance que tous ceux qui se sentaient de l’ambition ecclésiastique aspiraient à la gouverner. Le riche Sinopéen, à ce qu’il paraît[1], fit don à la communauté d’une grosse somme d’argent ; mais ses espérances furent déçues. Il n’avait pas l’esprit que l’Église de Rome a toujours voulu dans ses clercs. La supériorité intellectuelle était ici peu prisée. Sa curiosité ardente, sa vivacité de pensée et son instruction parurent des dangers. Il était facile de voir qu’elles ne lui permettraient pas de rester tranquillement dans les limites étroites de l’orthodoxie. Cerdon expiait comme lui dans l’isolement ses prétentions à l’originalité dogmatique. Marcion devint son disciple[2]. Les théories transcendantes du gnosticisme, enseignées par ce maître, durent paraître à un esprit imbu de doctrines philosophiques la forme la plus élevée du christianisme. Le dogme chrétien, d’ailleurs, était encore si peu arrêté, que chaque individualité forte aspirait à y imprimer son cachet. Cela suffit pour expliquer les voies détournées où s’engagea ce grand homme, sans qu’il soit besoin

  1. Tertullien, In Marc., IV, 4 ; Præscr., 30.
  2. Irénée I, xxvii, 2 ; III, iv, 3 ; Philosoph., VII, 10, 39 ; X, 19 ; Tert., Præscr., c. 51 ; saint Cyprien, Epist. 74 ; Eusèbe, H. E., IV, 11 ; Epiph., hær. xli, 1 ; Philastre, c. 45 ; Pseudo-Aug., hær. 22 ; Théodoret, I, 24.