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tation d’une chasteté maladive confinait de si près à l’immoralité. Une combinaison qui eut longtemps un très-grand succès fut l’Évangile de Pierre[1], composé probablement à Rome. Justin et l’auteur du roman pseudo-clémentin paraissent en avoir fait usage. Il différait peu de l’Évangile ébionite, et présentait déjà cette préoccupation de Marie qui est le trait des apocryphes. On réfléchissait de plus en plus au rôle qui convenait à la mère de Jésus ; on cherchait à la rattacher à la race de David ; on créait autour de son berceau des merveilles analogues à celles qui se produisirent lors de la naissance de Jean-Baptiste. Un livre, qui plus tard fut chargé d’absurdités par les gnostiques, mais qui ne sortait peut-être pas, lorsqu’il parut, de la note moyenne de l’Église catholique, la Genna Marias[2], peu différent de l’écrit qu’on appelle Protévangile de Jacques, satisfaisait à ces besoins de l’imagination. La légende se matérialisait tous les jours. On se préoccupait du témoignage de la sage-femme qui assista Marie et attesta sa virginité[3]. Il ne suffisait plus que Jésus fût né dans une étable ;

  1. Hilg., op. cit., 39-42. Cf. les Évangiles, ibid.
  2. Épiph., xxvi, 12. Justin et le rédacteur de l’épître des fidèles de Lyon et de Vienne semblent avoir connu cet ouvrage. V. ci-après, p. 508 et suiv.
  3. Clém. d’Alex., Strom., VII, 16. Cf. Protév. de Jacques, 19, 20 ; Pseudo-Matthieu, 13 ; Décret de Gélase, ch. vi.