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et Paul avaient poursuivi ensemble, en se donnant la main.

La condition fondamentale du succès du christianisme est maintenant posée. Ni Pierre ni Paul ne pouvaient réussir séparément. Pierre était la conservation, Paul la révolution : les deux étaient nécessaires. On raconte en Bretagne que, quand saint Pierre et saint Paul vinrent prêcher le christianisme en Armorique, ils arrivèrent devant un bras de mer étroit et profond. Quoiqu’ils fussent d’accord sur les points essentiels, ils résolurent de s’établir l’un d’un côté, l’autre de l’autre, pour enseigner l’Évangile chacun à sa guise ; car il semble que, malgré leur intime confraternité, ils ne pouvaient bien vivre ensemble. Tous deux, selon l’habitude des saints de Bretagne, se mirent à bâtir leur chapelle. Ils avaient les matériaux de part et d’autre ; mais ils n’avaient qu’un marteau, si bien que, chaque soir, le saint qui avait travaillé dans la journée lançait le marteau à son compagnon par-dessus le bras de mer. Grâce au travail alternatif, résultant de cet arrangement, l’œuvre marcha bien et les deux chapelles qui se voient encore furent bâties.

C’était surtout la mort des deux apôtres qui préoccupait les partis et donnait lieu aux combinaisons les plus diverses. Le tissu de la légende se formait à cet égard par un travail instinctif, presque