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mourir pour elles. Là est l’explication des succès extraordinaires qu’ont obtenus quelques-unes des tentatives religieuses de l’Orient. « Vous autres, Européens, vous n’entendrez jamais rien aux religions, me disait le plus intelligent des Asiatiques ; car vous n’en avez jamais vu se faire chez vous ; nous, au contraire, nous en voyons tous les jours se faire. J’étais là quand des gens hachés en morceaux, brûlés, enduraient pendant des journées des supplices horribles, dansaient, sautaient de joie de mourir pour un homme qu’ils n’avaient jamais connu (le Bâb), et c’étaient les hommes les plus considérables de la Perse. Moi, qui vous parle, j’étais obligé d’arrêter ma légende, qui courait en quelque sorte devant moi, d’empêcher les gens de se faire tuer pour moi » Le martyre ne prouve nullement la vérité d’une doctrine ; mais il prouve l’impression qu’elle fait sur les âmes, et c’est là tout ce qui importe pour le succès. Les plus belles conquêtes du christianisme, la conversion d’un Justin, d’un Tertullien furent amenées par le spectacle du courage des martyrs, de leur joie dans les supplices et de l’espèce de rage infernale qui poussait le monde à les persécuter.