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qu’elles ne sont pas privées de ce critérium suprême de vérité. Les gnostiques sont mis au ban de toutes les Églises, surtout parce qu’ils professent l’inutilité du martyre. C’est qu’en effet la persécution était bien alors, comme le veut Tertullien[1], l’état naturel au chrétien. Les détails des Actes des martyrs peuvent être faux pour la plus grande partie ; l’effroyable tableau qu’ils déroulent devant nous n’en fut pas moins une réalité. On s’est souvent fait de trompeuses images de cette lutte terrible, qui a entouré les origines chrétiennes d’une brillante auréole et imprimé aux plus beaux siècles de l’empire une hideuse tache de sang ; on n’en a pas exagéré la gravité. Les persécutions ont été un élément de premier ordre dans la formation de cette grande association d’hommes qui la première fit triompher son droit contre les prétentions tyranniques de l’État.

On meurt en effet pour des opinions, non pour des certitudes, pour ce qu’on croit et non pour ce qu’on sait. Le savant qui a trouvé un théorème n’a pas besoin de mourir pour attester la vérité de ce théorème. Il donne sa démonstration, et cela suffit. Au contraire, dès qu’il s’agit de croyances, le grand signe et la plus efficace démonstration est de

  1. De fuga in persec., 8, 9.