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que l’abrogation de la loi des sociétés illicites eût probablement été, en effet, la ruine de l’empire, fondé essentiellement sur ce principe que l’État ne doit admettre en son sein aucune société différente de lui. Le principe était mauvais, selon nos idées ; il est bien certain, du moins, que c’était la pierre angulaire de la constitution romaine. On aurait cru les bases de l’empire ébranlées, si l’on se fût relâché de ces lois répressives, que l’on tenait pour des conditions essentielles de la solidité de l’État.

Les chrétiens semblèrent le comprendre. Loin d’en vouloir personnellement à Antonin, ils le regardèrent plutôt comme ayant adouci leur sort[1]. Un fait infiniment honorable pour ce souverain est que le principal avocat du christianisme osa s’adresser à lui avec une pleine confiance, pour obtenir le redressement d’une situation légale qu’il trouvait avec raison injuste et messéante en un règne si heureux[2]. On alla plus loin, et, sans doute dans les premières années de Marc-Aurèle, on fabriqua sous le nom d’Antonin différents rescrits censés adressés aux Larisséens, aux Thessaloniciens, aux Athéniens, à

  1. Justin, Apol. I, init. ; Méliton (Eus., H. E., IV, 26) ; Tertullien, Apol., 5 ; Xiphilin, LXX, 3. Cf. Eusèbe, H. E., VI, ch. xii, xiii, xxvi ; Orose, VII, 14 ; Sulp. Sév., II, 46.
  2. Comparez le cri du cynique idéal d’Épictète : Καῖσαρ, ἐν τῇ σῇ εἰρήνῃ, οἷα πάσχω. Arrien, III, xxii, 55.