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Peut-être faut-il attribuer aux caprices et aux désordres de ses derniers mois quelques martyres qui eurent lieu sous son règne, et dont on ne voit pas bien le motif. Télesphore était alors chef de l’Église de Rome ; il mourut en confessant le Christ, et passa au nombre des gloires de la foi[1].

La mort du césar amateur fut triste et sans dignité ; car aucun sentiment moral vraiment élevé ne l’animait. Le monde néanmoins perdit en lui un puissant soutien. Les juifs seuls triomphèrent des angoisses de ses derniers moments. Il fut d’usage chez eux de ne le nommer qu’en ajoutant après son nom : « Que Dieu lui broie la jambe[2] ! » Il aima sincèrement la civilisation, et comprit bien ce qu’elle pouvait être de son temps. La littérature et l’art antique finissent avec lui. Il fut le dernier empereur qui crut à la gloire[3], comme Ælius Verus fut le dernier homme

  1. Irénée, III, iii, 3. (La Chronique d’Eusèbe et toutes les chronologies pontificales placent le commencement de Hygin, successeur de Télesphore, vers 138 ou 139.) Les autres Actes de martyrs se rapportant à ce temps sont sans valeur. L’inscription de Marius adolescens, Boldetti, Osserv., p. 233 ; Mabillon, Iter ital., p. 138 ; Greppo, Trois mém., p. 242, est fausse. Tout ce qu’on a fait pour donner de la solidité au martyre de saint Quirinus est entièrement gratuit. Les Actes de sainte Symphorose sont une imitation des Macchabées.
  2. Livre de Josué (samaritain), ch. 48, et dans les Talmuds.
  3. Marc-Aurèle, Pensées, X, 27. Cf. IX, 29.