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la première béatitude (Heureux les ébionim !) sont maintenant pour l’Église un scandale ; leur pure doctrine passe pour blasphème. Certes, les plaisanteries d’Origène[1], les injures d’Épiphane[2] contre les vrais fondateurs du christianisme ont quelque chose de choquant. D’un autre côté, il est bien sûr que les ébionim de Kokaba n’eussent pas transformé le monde. Si le christianisme fût resté une secte juive, il se fût fait un petit Talmud, n’eût jamais abandonné la Thora. Les parents de Jésus fussent devenus avec le temps une aristocratie religieuse intolérable et funeste à l’œuvre de Jésus. Comme presque tous les descendants des grands hommes, ils se fussent prétendus héritiers de son génie ou de sa sainteté ; ils eussent traité avec dédain ceux que Jésus aurait tenus à bien meilleur titre pour sa famille spirituelle. Comme les héritiers de tel écrivain célèbre, ils eussent voulu garder pour eux ce qui avait été pensé et senti pour tous. L’humble Jésus fût devenu ainsi un principe de vanité au profit de quelques sots ; les desposyni eussent été persuadés que c’était pour leur valoir des titres religieux et des honneurs de synagogue que leur arrière-grand-oncle avait prêché et avait

  1. De princ., IV, 22 ; In Matth., t. XVI, 11. Cf. saint Jérôme, In. Is., i, 12.
  2. Épiph., xxx, 17. Cf. saint Hilaire, De trinitate, VII, 3.