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gogue[1] ». — « Pour avoir voulu, dit également saint Jérôme[2], être à la fois juifs et chrétiens, ils réussirent à n’être ni juifs ni chrétiens. » Ainsi se passa dans le christianisme naissant ce qui est arrivé dans presque tous les mouvements religieux. Les créateurs des mouvements de ce genre sont d’ordinaire absorbés et supprimés par ceux qui leur succèdent. Le premier siècle de l’hégire vit l’extermination des compagnons, des parents, des amis de Mahomet, de ceux en un mot qui prétendaient confisquer à leur profit la révolution dont ils étaient les auteurs. Dans le mouvement franciscain, les vrais disciples de François d’Assise se trouvèrent, au bout d’une génération, des hérétiques dangereux, poursuivis par l’orthodoxie et livrés par centaines au bûcher.

C’est que l’idée, dans ces premiers jours d’une activité créatrice, procède à pas de géant ; l’initiateur devient vite un rétrograde, un hérétique dans sa propre secte, un obstacle à son idée, qui veut marcher malgré lui, et qui souvent alors l’injurie, le tue. Il ne se meut plus, et tout se meut autour de lui. Les ébionim, pour qui avait été faite

  1. Prov., v, 14, tourné en plaisanterie.
  2. Epist ad August., 89 (74), IV, 2e part., col. 623, Mart. ; 97 (76), ibid. col. 634.