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La haine contre Rome éclate tout d’abord : « O vierge, molle et opulente fille de Rome latine, passée au rang d’esclave ivre de vin, à quels hymens tu es réservée ! Combien de fois une dure maîtresse tirera ces cheveux délicats[1] ! » L’auteur, à la fois juif et chrétien[2], regarde Rome comme l’ennemie naturelle des saints. Adrien seul obtient de lui l’hommage d’une véritable admiration[3]. Après avoir énuméré les empereurs romains de Jules César à Trajan, au moyen des procédés amphigouriques de la ghematria, la sibylle voit arriver au trône « un homme au crâne d’argent, dont le nom sera celui d’une mer.

  1. Carm. Sib., III, 356-362.
  2. Le christianisme de l’auteur se conclut du vers 256. Le judaïsme rabbinique, à l’époque où notre poëme fut écrit, avait à peu près disparu d’Alexandrie. Voir les Évangiles, p. 512.
  3. Livre V, vers 49-50. Ces vers prouvent que le poëme a été écrit sous le règne d’Adrien. Après la mort de ce prince, une telle adulation ne se comprendrait plus. L’auteur sibyllin est si profondément juif, il maudit si énergiquement les destructeurs de la nation juive, qu’on ne peut supposer qu’il eût parlé d’Adrien en termes si flatteurs après la guerre de Bar-Coziba. Voir ci-après, p. 532. La manière brève dont il est question des successeurs d’Adrien (v. 50-51), loin de placer le poëme sous le règne d’Antonin ou de Marc-Aurèle, prouve au contraire qu’Adrien vivait encore ; autrement l’auteur, au lieu d’apostropher ce dernier d’une manière aussi exceptionnelle, eût continué son énumération d’empereurs sur le même plan (comp. VIII, 65 et suiv. ; III, 52). Enfin ce qui est dit de Jérusalem (vers 249 et suiv., 259 et suiv.) me semble antérieur à la construction d’Ælia.