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comme tout à fait relâchées. Mais c’est la raison surtout qui, dans cet Israël décrépit, se montre affaiblie. Le surnaturel est prodigué d’une façon insensée. Le miracle paraît chose si simple, qu’un hallel, une prière spéciale y est consacrée, comme à l’événement le plus ordinaire de la vie[1]. Jamais peuple, après une période d’activité extraordinaire, ne traversa un aussi effroyable abaissement.

Une petite secte, enfermée dans de nombreuses prescriptions qui l’empêchent de vivre de la vie de tous, est par sa nature insociable. Elle est nécessairement haïe et devient facilement haineuse. Dans une large société, pénétrée par de grands principes libéraux, comme est la civilisation moderne, et comme fut à quelques égards la civilisation arabe de la première moitié du moyen âge, cela n’a pas de graves inconvénients. Mais, dans une société comme le moyen âge chrétien et comme l’Orient de nos jours, cela produit des flots accumulés d’antipathies et de dédains réciproques. Étranger partout, sans patrie, sans autre intérêt que ceux de sa secte, le juif talmudiste a souvent été un fléau pour les pays où le sort l’a porté. Qu’on songe au juif d’Orient et des côtes barbaresques, plein de rancune quand il est persé-

  1. Talm. de Bab., Berakoth, 56 a.