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observances. En faisant porter l’union des âmes sur des vérités de l’ordre métaphysique, le christianisme prépara la voie à des schismes sans fin ; en réduisant la profession de foi au schema, c’est-à-dire à l’affirmation de l’unité divine, et au lien extérieur du rituel, le judaïsme écarta de son sein les disputes théologiques. L’excommunication chez les juifs a eu, en général, pour cause des actes, non des opinions. La Cabbale resta toujours une spéculation libre ; elle ne devint jamais une croyance obligatoire ; l’immortalité de l’âme ne fut envisagée que comme une consolante espérance ; et, quant aux pratiques religieuses, on avouait sans peine qu’elles seraient abolies aux temps messianiques, lorsque les principes israélites seraient universellement adoptés. Même les croyances qui concernent le Messie, un docteur célèbre a pu les révoquer en doute, et le Talmud enregistre son opinion sans la blâmer[1]. Cela était très-judicieux. Être obligé de croire à quelque chose est un vrai non-sens, tandis que le plus grand rigorisme extérieur peut s’allier à une entière liberté de penser. Telle est la cause de cette indépendance philosophique qui, durant le moyen âge et jusqu’à nos jours, a régné dans le judaïsme.

  1. Talm. de Bab., Sanhédrin, 99 a.