Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.

font du Talmud un des livres les plus repoussants qui existent. On y sent les conséquences désastreuses de la plus grande faute que le peuple juif ait commise, qui fut de tourner le dos à la discipline grecque, source de toute culture classique. Cette rupture avec la raison même mit Israël dans un déplorable isolement. Lire un livre étranger fut un crime[1]. La littérature grecque parut un jeu, un ornement de femme, un amusement que dédaigne l’homme préoccupé de la Loi, une science d’enfant qu’on doit enseigner à son fils « à l’heure qui n’est ni le jour ni la nuit[2] », puisqu’il est dit de la Thora : « Tu l’étudieras jour et nuit[3]. » La Thora fut ainsi considérée comme renfermant toute philosophie, toute science, comme dispensant de toute autre étude. Le christianisme fut moins exclusif et admit dans son sein une large part de la tradition hellénique. Séparé de cette grande source de vie, Israël tomba dans un état de pauvreté, ou plutôt d’aberration intellectuelle, d’où il ne sortit que par l’influence de la philosophie dite arabe, c’est-

  1. Aquiba, dans Talm. de Bab., Sanhédrin, 90 a. Cf. Origène, Contre Celse, II, 34.
  2. Mischna, Sota, ix, 14 ; Talm. de Bab., Baba kama, 82 b ; Sota, 49 b ; Menachoth, 64 b, 99 b ; Talm. de Jér., Péah, i, 1, fol. 3 a. Cf. Masséket Séfer Thora, i, 8 (édit. Kirchheim).
  3. Josué, i, 8.