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quels on pût rattacher les préceptes reçus. Il est dans la destinée des religions que le livre sacré soit toujours ainsi étouffé par le commentaire. Ce ne sont pas seulement les livres sacrés qui forment les religions ; ce sont les circonstances, c’est la force des choses, impliquant mille besoins auxquels l’auteur primitif n’avait pu songer. La coïncidence entre les livres sacrés et l’état religieux d’une époque n’est donc jamais parfaite ; l’habit ne va que médiocrement à la taille ; le commentateur et le traditionniste viennent alors et procèdent au rajustage. C’est ainsi que, au lieu d’étudier le livre sacré en lui-même, on trouve mieux, à partir d’une certaine époque, de le lire dans les codes qui en ont été tirés ou plutôt qu’on a su y adapter[1].

L’essai pour codifier la loi orale juive se fit de plusieurs côtés à la fois. Nous ne possédons plus la Mischna de Rabbi Aquiba, ni tant d’autres qui ont existé[2]. La Mischna de Juda le Saint, rédigée soixante ans plus tard, a fait oublier celles qui

  1. Vers la fin du moyen âge, les théologiens scolastiques en étaient arrivés à ne presque plus lire la Bible, les jurisconsultes à ne presque plus lire les sources du droit. Du reste, le Talmud lui-même se vit négligé pour les traités plus méthodiques de Maimonide et des autres canonistes juifs.
  2. Épiphane, xv, xxxiii, 9 ; Talm. de Bab., Horaioth, 13 b. Grætz, IV, 55 et suiv., 430, 431.