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Jéhovah est le Dieu unique ! » Il traîna sur le mot « unique » (éhad) jusqu’à ce qu’il expirât. Une voix céleste se fit entendre : « Heureux Aquiba, qui est mort en prononçant le mot « unique[1] ! »

Israël n’arrivait aux idées de l’immortalité que tardivement et par des expériences successives. Le martyre imposait cette croyance par une sorte de nécessité[2]. Comment prétendre que ces observateurs scrupuleux de la Loi, qui mouraient pour elle, avaient ici-bas leur récompense ? La réponse qui suffisait pour des cas comme celui de Job et de Tobie[3] ne suffisait plus ici. Comment parler de longue vie heureuse[4] pour des héros expirant dans une mort atroce ? Dieu était donc injuste, ou bien les saints ainsi tourmentés étaient de grands coupables. On vit des martyrs au moyen âge embrasser cette der-

  1. Talm. de Babyl., Berakoth, 61 b ; Jebamoth, 108 b ; Sanhédrin, 12 a ; Talm. de Jér., Berakoth, ix, 7 ; Jebamoth, xii, 12 ; calendrier juif, 5 de tisri.
  2. Dans Pesahim, 50 a, la première place dans le ciel est pour les martyrs, tels que Julianus et Pappus. Le récit de la mort d’Aquiba, dans Berakoth babéli, comparé au même récit dans Berakoth ierouschalmi (passage parallèle), montre bien le progrès des idées.
  3. Voir Talm. de Bab., Berakoth, 60 b, les efforts puérils pour prouver que tout ce qui arrive est bon et juste.
  4. « Sepelierunt eum cum gaudio. » Tobie, xvi, 16 (latin). — Θάψον με καλῶς, même livre, xiv, 10 (grec).