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continue. Les hommes du bien sont les gnostiques ; l’âme est tout en eux, et, par conséquent, ils vivent éternellement. Le corps, au contraire, ne saurait ressusciter ; il est condamné à périr. Ce qui propage le corps propage l’empire de Satan ; le mariage, par conséquent, est une œuvre mauvaise. Il affaiblit le principe divin dans l’homme, en subdivisant ce principe à l’infini.

Toutes ces sectes, on le voit, se trouvaient dans une égale incapacité de donner à la morale une assise sérieuse. Elles évitaient même difficilement l’écueil des débauches secrètes et les accusations d’infamie. Sur ce terrain glissant, Alexandrie ne sut pas s’arrêter. Il était dans la destinée de cette ville extraordinaire de voir, à son époque la plus brillante, toutes les maladies du temps éclater dans son sein avec toute leur énergie. Carpocrate y tira les conséquences d’une philosophie malsaine, qui portait dans tous les ordres les exagérations d’un supernaturalisme intempérant, ballottait l’homme de l’ascétisme à l’immoralité, le laissant rarement dans le juste milieu de la raison. Carpocrate et son fils Épiphane[1]

  1. Hégésippe, dans Eus., IV, xxii, 5 ; Origène, Contre Celse, V, 62 ; Irénée, I, 6, 25, 28 ; Clém. d’Alex., Strom., III, 2, 4 ; Tertullien, De anima, 23, 35 ; Præscr., 48 ; Philosophumena, VII, 32 ; Eusèbe, H. E., IV, vii, 9 (cf. II, xiii, 7) ; Épiphane,