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chiques, tout à fait inutile aux contemplateurs purs. Éternelle erreur des sectes mystiques, plaçant l’initiation à leurs chimères au-dessus des bonnes actions, qu’elles affectent de laisser aux simples ! Là est la raison pour laquelle toute gnose arrive, quoi qu’elle fasse, à l’indifférence des œuvres, au dédain de la vertu pratique, c’est-à-dire à l’immoralité.

Il y a sûrement quelque chose de grand dans ces mythes étranges. Quand il s’agit de l’infini, de choses qu’on ne peut savoir que partiellement et à la dérobée, qu’on ne peut exprimer sans les fausser, le pathos même a son charme ; on s’y plaît, comme à ces poésies un peu malsaines, dont on blâme le goût, mais qu’on ne peut se défendre d’aimer. L’histoire du monde, conçue comme l’agitation d’un embryon qui cherche la vie, qui atteint péniblement la conscience, qui trouble tout par ses agitations, ces agitations elles-mêmes devenant la cause du progrès et aboutissant à la pleine réalisation des vagues instincts de l’idéal, voilà des images peu éloignées de celles que nous choisissons par moments pour exprimer nos vues sur le développement de l’infini. Mais tout cela était inconciliable avec le christianisme. Cette métaphysique de rêveurs, cette morale de solitaires, cet orgueil brahmanique, qui aurait ramené, si on l’avait laissé