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la boue sans se souiller[1] » Ils souriaient quand on leur parlait des scrupules relatifs aux viandes immolées aux idoles ; ils assistaient aux spectacles, aux jeux de gladiateurs ; on les accusait de parler légèrement des crimes contre la pudeur et de dire : « À la chair ce qui est de la chair ; à l’esprit ce qui est de l’esprit[2] » Enfin ils exprimaient leur antipathie pour le martyre en termes qui devaient blesser profondément les vrais chrétiens[3]. Le Christ n’ayant pas souffert, à quoi bon souffrir pour lui[4] ? « Le véritable témoignage à rendre à Dieu, disaient-ils, c’est de le connaître tel qu’il est ; confesser Dieu par sa mort est un acte de suicide[5] » Selon eux, les martyrs avaient presque toujours tort ; les peines qu’ils souffraient étaient le juste châtiment de crimes qui auraient mérité la mort et qui étaient restés cachés. Loin de se plaindre, ils devaient bénir la loi, qui transformait en acte d’héroïsme le supplice qu’ils enduraient justement. Que s’il y avait quelques cas rares

  1. Irénée, I, vi, 2.
  2. Irénée, I, vi, 3.
  3. Clém. d’Alex., Strom., IV, 4, 9 ; Irénée, I, xxiv, 6 ; III, xviii, 5 ; Agrippa Castor, dans Eus., H. E., IV, vii, 7 ; VI, xxxviii ; Tertullien, Scorp., 15 ; Epiph., xix, 1 ; xxiv, 4 ; liv, 1 ; Pseudo-Tert., hær. 1 ; Philastre, hær. 32, 38.
  4. Philastre, l. c.
  5. Clém. d’Alex., Strom., IV, 4 ; Irénée, III, xviii, 5 ; IV, xxxiii, 9.