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même sens que Bouddha, « celui qui sait » ? À la Perse, on prenait le dogme des deux principes indépendants l’un de l’autre, l’identification de la matière et du mal, la croyance que les passions qui corrompent l’âme sont des émanations des corps, la division du monde en ministères ou administrations confiées à des génies[1]. Le judaïsme et le christianisme se mêlaient à ce galimatias : plus d’un fidèle de Jésus s’imaginait pouvoir greffer l’Évangile sur une théologie amphigourique, ayant l’air de dire quelque chose, sans rien expliquer en réalité ; plus d’un israélite préludait déjà aux folies de la cabbale, qui n’est à vrai dire que le gnosticisme des juifs[2].

L’Église d’Alexandrie, comme nous l’avons dit, fut de bonne heure atteinte par ces chimères. Philon et Platon avaient déjà beaucoup de lecteurs parmi les fidèles instruits. Plusieurs entraient dans l’Église imbus de philosophie, et trouvaient l’enseignement chrétien maigre et pauvre ; la Bible juive leur paraissait plus faible encore. À l’imitation de Philon, ils n’y voyaient qu’allégorie. Ils appliquaient la même méthode à l’Évangile. Ils le refirent en quelque sorte.

  1. Voir J. Darmesteter, Haurvatât et Ameretât, Paris, 1875 ; l’Antechrist, p. 362-363, note.
  2. Sur le juif gnostique Elisa ben Abouyab Aher, voir les Évangiles, p. 535 ; Derenbourg, dans les Mél. de l’École des hautes études, 1878, p. 172-173.