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fait insuffisantes pour rendre compte d’un fait aussi complexe. Il y eut des gnostiques chrétiens, juifs, samaritains ; mais il y eut aussi des gnostiques non chrétiens. Plotin, écrivant un livre entier contre les gnostiques[1], ne croit pas un moment avoir affaire à une secte chrétienne. Les systèmes des gnostiques samaritains, ceux de Basilide, de Valentin, de Saturnin, offrent de telles analogies entre eux, qu’il faut y supposer un fond commun. Or ces chefs de secte ne paraissent pas s’être fait d’emprunts les uns aux autres. Ils puisèrent donc à un fond antérieur, dont Philon, Apollos, saint Paul, quand il écrivait l’Épître aux Colossiens, s’étaient déjà faits les tributaires, et dont la cabbale juive paraît procéder également[2].

Démêler tout ce qui contribua pour quelque chose à la formation de cette singulière philosophie religieuse est une tâche impossible. Le néoplatonisme, tissu de poétiques songes, les idées qu’on se faisait, d’après des traditions apocryphes, sur le pythagorisme, donnaient déjà les modèles d’une philosophie mythique, confinant à la religion. Vers le temps même où Basilide, Valentin, Saturnin développaient leurs rêveries, un des rhéteurs pensionnés d’Adrien,

  1. Ennéades, II, ix entier.
  2. Rabbi Siméon ben Azaï (première moitié du iie siècle) est déjà un cabbaliste. Mischna, Hagiga, 2. Voir les Évangiles, p. 16.