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mystagogue ; la théurgie est prise au sérieux ; l’esprit scientifique disparaît tout à fait ; les habitudes d’esprit qu’entretenaient les mystères prennent le dessus. Dans ces petits comités religieux d’Éleusis et de Thrace, où l’on se jetait de la poudre aux yeux pour s’imaginer que l’on savait ce qu’il est impossible de savoir, on proclamait déjà que le corps est la prison de l’âme, que le monde réel est une déchéance du monde divin ; on partageait les enseignements en ésotériques et exotériques, les hommes en spirituels, animaux et matériels. L’habitude de revêtir les enseignements de la forme mythique, à la manière de Platon, d’expliquer allégoriquement les vieux textes, à la manière de Philon, devenait générale. Le bonheur suprême était d’être initié à de prétendus secrets, à une gnosis supérieure. Ces idées d’une chimérique aristocratie intellectuelle gagnaient chaque jour du terrain ; on s’imaginait la vérité comme un privilège réservé à un petit nombre d’adeptes. Chaque maître devenait un charlatan, cherchant à grossir sa clientèle en lui vendant le secret de l’absolu.

Le champ de propagande de la gnosis et celui du christianisme étaient, à Alexandrie, fort voisins l’un de l’autre. Gnostiques et chrétiens se ressemblaient par l’ardent désir de pénétrer le mystère religieux sans la science positive, à laquelle ils